lundi 12 novembre 2012

Carnet de voyage d'une tête de veau en Dordogne


"Parigot, tête de veau !"
Dicton provincial

La campagne, un monde à part

J'étais fraîchement descendu du train, mon cousin était au volant, les villages défilaient, et quelque chose m'a interpellé :

Jérôme : "Tiens c'est marrant, les noms des patelins se finissent tous pareil : Plissonac, Safrac, Meyerac... C'est vraiment un truc qu'on ne voit qu'à la campagne !"

Pierre : "Ah oui ? T'habites où toi au fait ? Roissy ?"

Jérôme : "Non Roissy c'est là où il y a l'aéroport. Moi j'habite à Poissy. C'est pas trés loin de Boissy, sur le RER A, la ligne qui part de Noisy en passant par Chatou-Croissy. Pourquoi tu me demandes ça ?"

Ma question est restée sans réponse : nous étions arrivés.

Après m'être rapidement installé, j'ai demandé à ma cousine : "On pourrait aller chez Uniqlo rapidement demain pour que j'achète des t-shirts ? Parce que je n'en ai que deux et quelques chemises". Elle m'a répondu "Pourquoi pas une boutique Hermès tant que t'y es ?". Du coup j'en ai acheté chez Monoprix : à la guerre, comme à la guerre.

Les gens qui viennent de Dordogne sont-ils cultivés ?

La réponse est non. J'en veux pour preuve que ma cousine ne pourrait même pas me citer une chanson de David Guetta. Je vous jure ! Cette prof de Français-Latin-Grec ferait bien d'allumer la télé de temps en temps, histoire de se meubler l'esprit.

On avait un peu de temps avant le dîner alors elle s'est assise à son piano. J'avais peur : je sentais qu'elle allait me jouer une version acoustique de "La bite à Dudulle" ou de "Manon la gueuse n'a pas de culotte". En fait ça allait. Ce n'était pas non plus du Nicolas Jaar, mais elle n'avait qu'un piano. "Ca c'était un morceau d'Edvard Grieg, maintenant je vais te jouer une gymnopédie d'Erik Satie", m'a-t-elle dit. Je ne savais pas qui étaient ces gens, probablement des troubadours locaux qui ont participé au folklore régional et dont les chansons se transmettent oralement, de générations en générations. Les gens de la campagne sont toujours trés attachés à leur terroir, c'est bien connu.

Y a-t-il le métro à la campagne ?

La réponse est oui, mais il vaut mieux ne pas le prendre. Pour commencer, le billet est super cher pour un trajet. Ensuite, entre le moment où vous arrivez à la station, et celui où votre métro arrive, vous avez le temps de faire du tourisme. Une fois que le contrôleur a composté votre billet, vous foncez vous asseoir pour ne pas être sur un strapontin ou pire, debout à vous tenir à une barre. Et c'est là que vous réalisez que le métro laisse à désirer : pas de fenêtres, pas de toit, juste des barrières et des petits sièges. Après, ça ne va pas en s'arrangeant : celui qui vous avait contrôlé quelques instants plus tôt s'improvise conducteur et il met la locomotive en route. Là vous commencez à flipper. A peine avez-vous parcouru quelques centaines de mètres que la rame s'arrête en pleine voie. Le contrôleur-conducteur commence à se confondre en excuses mais vous ne l'écoutez pas. Vous savez déjà de quoi il parle : "incident voyageur", "problème matériel"... Du coup vous regardez les tags, sur les murs du souterrain, et vous vous dites que pour avoir fait des mammouths partout, celui qui a fait ça devait être en sérieuse panne d'inspiration.

Le contrôleur-conducteur continue de raconter sa vie et là, il se passe quelque chose d'intéressant. Vous ne prêtez absolument pas attention au discours du cheminot parce que les revendications salariales, la libéralisation rampante, la remise en cause des acquis sociaux, vous connaissez la chanson et soudain, vous remarquez que vous êtes bien le seul et que les autres usagers se prennent de passion pour la cause de cet individu. Ils lui posent même des questions, voire mieux, ils l'interrompent : "Est-ce que... ?", "Jusqu'à quand... ?", "Mais pourquoi... ?", "Et comment... ?".

Vous en sortez fourbu, vous rentrez chez votre tante en vous disant qu'on ne vous y prendra plus et vous tombez sur votre oncle qui vous demande "Alors, ça t'a plu les peintures rupestres de la grotte de Rouffignac ?". Vous lui répondez que oui, parce que vous êtes bien élevé et vous gardez vos critiques sur les infrastructures locales pour vous.

Y'a t-il des hipsters à la campagne ?

Encore une fois, la réponse est oui. Moi j'ai toujours cru que les hipsters, c'était comme les cégétistes : il n'y en a que dans les familles des autres. Et j'ai vu mon cousin, coiffé d'une casquette de cycliste (?), les cheveux longs (??), et arborant une barbe de neuf mois (???).

Jérôme : "Mais mon cousin ! Mais... Mais vous êtes un hipster !"

Pierre : "Un quoi ?"

Jérôme : "Un hipster ! Ces hurluberlus qui portent la barbe et qui font du pignon fixe !"

Pierre : "Ah ça s'appelle des "pignons fixes" les vélos sans vitesses qu'on a à l'Ensam ?"

Il m'a expliqué que dans son école d'ingé, la tradition était pour les première année de ne pas se raser et de ne pas se couper les cheveux jusqu'à la rentrée suivante. Ne me demandez pas comment font ceux qui redoublent, je n'ai pas la réponse.

Que fait-on les soirs de week end à Périgueux ?

En région parisienne, en général, on descend des pintes dans des pubs. Ils ont chacuns leurs avantages bien définis : pour jouer aux fléchettes, on va au O'Briens (métro Invalides). Pour boire un ricard à deux euros, on va soit au Crystal dans le XVème, soit dans un Hide Out. Pour aborder des inconnus en leur faisant des tours de magie, on va au Mc Bride de Châtelet ou au Pop In à Oberkampf. Et pour les quizzs, on va au Motel (métro Ledru Rollin). Avant on allait au Bitter à Saint-Ger, mais on n'y va plus trop. A Périgueux, le Star In a eu l'idée saugrenue de permettre de pratiquer toutes ces activités.

Après un quizz dont la première place nous a échappé de peu (les mecs je vous avais bien dit que "honshu" ça s'écrivait sans accent...), alors que j'étais en train de lutter pour sauver ma peau au killer, je suis allé au bar chercher ma deuxième pinte et j'avais déjà deux pastis dans le sang. C'est donc tout naturellement que j'ai fait la connaissance d'un Sud-Africain. Une partie de fléchettes plus tard je savais qu'il venait de finir ses études et qu'il était en vacances chez son oncle. Le problème avec les gens qu'on rencontre comme ça, c'est qu'après les questions d'usage et deux trois blagues* et on arrive à court de discussion. On arrive à court de discussion, sauf si on a de la culture. "Have you seen on Youtube the video of the song "Call me maybe" by the Miami Dolphins Cheerleaders ?". J'avais relancé la soirée.


*La prochaine fois que vous rencontrerez un Sud-Africain dans un pub périgourdin, vous pourrez lui demander la chose suivante "Where does the sergent put his armies ?". La réponse est "in his sleevies". La traduction française de cette blague est "Avec quoi ramasse-t-on la papaye ? Avec une foufourche". Bien entendu, il vous répondra "very very bad joke". Vous pourrez alors lui demander : "how do you call a blind deer ?" et le regarder vous regarder avec des yeux tout ronds. C'est là que vous lui assénez gentiment l'estocade : "You don't know ? You have no eye deer ?". Si il est sympa, il vous demandera ce que vous voulez boire. Il se peut-même qu'il vous raconte une blague de son pays : "how does an Australian find a sheep in high grass ?". Toutes mes confuses mais la bienséance m'empêche de vous donner la réponse par écrit.

jeudi 1 novembre 2012

Crise de jalousie


Ca chie un peu entre elle et moi en ce moment. J'ai même envie de dire qu'elle me pète une durite : j'ai droit à la crise de jalousie. Je ne comprends pas parce qu'elle ne m'avait jamais joué cette carte là. Non vraiment ce n'est pas son genre, je m'étais même plutôt habitué à ce qu'elle me dise : "hé, regarde la fille qui traverse là bas !". Mais ça, c'était avant.

Comment en est-on arrivés là ? Forcément, je repense à nos débuts sur des chapeaux de roues. Ca c'était mal terminé avec ma précédente (une fin brutale) et elle était entrée dans ma vie peu de temps après. Le contact était vite passé, au même titre que la seconde vitesse, et les autres. Elle m'emmenait au cinéma, on écoutait de la musique ensemble : tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'était il y a deux ans. Et puis avec le temps, on a laissé la routine s'installer. C'est triste à dire mais je crois que je me suis habitué à elle.

Et récemment, la nouvelle est arrivée : belle, un teint doré, des courbes parfaites. Au début je ne voyais pas qu'elle rendait jalouse mon actuelle. Vous connaissez ma maladresse : dès qu'on me tend un piège, je tombe dans le panneau. La semaine dernière par exemple, on discutait, tous les deux :

Elle : "Elle est pas mal la nouvelle..."

Moi : "Hum... Qui ça ? Ah... Euh... Oui..."

Elle : "C'est quoi cette hésitation ? T'es pas d'accord avec moi ?"

Moi : "Si ! Si ! Carrément !"

Elle : "A ce point là ?"

Moi : "Non non j'aime bien son teint..."

Elle : "Ah oui ? Tu trouves que je fais pâle figure à côté c'est ça ?"

Moi : "Mais non ! Je dis juste qu'elle a une allure sympa c'est tout..."

Elle : "Ah oui elle a de l'allure en plus ? Allez vas-y ! Dis-le que tu la préfères à moi ! T'as qu'à sortir avec elle tant qu'on y est !"

Là bien sûr, j'ai fait preuve d'éloquence et d'originalité :

Moi : "Rho... Euh... Mais qu'est-ce que tu vas t'imaginer ?"

Du coup j'ai décidé de lui faire plaisir : jeudi dernier, je l'ai emmenée dans un institut spécialisé où elle devait passer la journée : "Tu vas voir on va bien s'occuper de toi ici, et tu vas en sortir belle comme un camion". Pas de chance, on y a croisé l'objet de notre dispute qui paradait de tout son éclat. Ma Twingo m'a jeté un regard noir et elle m'a dit, sur un ton de mise en garde : "Va l'essayer si tu l'oses".

Voilà, j'arrête de tourner autour du pot d'échappement : il y a de l'eau dans le gasoil parce que ma Twingo 2 est jalouse de la nouvelle Twingo 2.

mardi 30 octobre 2012

Régis le réglisse


Cette aprèm je suis allé chez Régis. C'est un mec de mon master, on n'est pas super potes. Il est sympa mais avec les autres gens de la promo, on est tous d'accord sur un point : on le trouve bizarre, sans pouvoir expliquer pourquoi.

Je l'avais aidé pour son mémoire d'économétrie et il m'a invité à prendre l'apéro pour me remercier. "En temps normal, je t'aurais envoyé des pivoines mais il n'y en a qu'à partir de fin mai. T'inquiète, ça n'a rien d'ambigu d'envoyer des pivoines, je l'ai lu dans "Say it with flowers : the effect of flowers on mating attractiveness and behavior", tu peux me faire confiance".

Il m'a proposé de la bière de printemps, une vodka bison ou un kir à la liqueur de violette mais comme je conduisais, je lui ai demandé un thé. "J'ai des grains de pollen à mettre dedans si tu veux". Je ne savais pas que ça se faisait. Il a continué : "J'ai aussi du chocolat à la lavande pour accompagner. Moi je ne suis pas fan de chocolat, je préfère la vanille, tu sais comment la vanille a été découverte ?". L'histoire, je la connaissais déjà, mais Régis par contre, je ne le connaissais pas trop, donc je l'ai laissé me la raconter.

On a commencé à faire connaissance. Je lui ai expliqué que j'avais grandi en Thaïlande. "Le pays des orchidées" selon lui. Il m'a fait un exposé sur les plantes parasitaires mais mon attention était attirée par un objet bizarre.

Sur son bar, il avait un seau en verre qui contenait des flûtes à champagne en forme de tulipe sauf que leur pied n'était constitué que de la tige, il n'y avait pas le support circulaire qui permet de poser une coupe normale. Bon plan pour saouler une fille : elle est obligée de finir son verre si elle veut le poser quelque-part.

Il a mis de la musique. J'ai reconnu les chansons "Mon amie la rose" de Françoise Hardy et  "Les Fleurs" de Minnie Ripperton et c'est là que j'ai compris : en fait Régis, c'est juste un mec qui aime les fleurs. Comme le barbare dans "Astérix chez les Goths" (pour les plus cultivés d'entre vous). Quand il rêve il a la tête perdue dans les "pensées" qu'il fait pousser sur son balcon. Quand il fait la queue à la poste, il pense à ses "impatiens". J'ai commencé à me confier "moi aussi j'aime bien les fleurs, notamment les lys et les arums. Mais je préfère le cinéma". Il m'a expliqué qu'il avait vu "Pluie de roses sur Manhattan" et que c'était une daube. Son fim préféré, c'était "Le Chateau de ma mère" parce que la roseraie du châtelain le faisait rêver. Ce qu'il avait pensé du "Dahlia Noir" ? Scarlett Johansson était le seul intérêt du film.

Naturellement, la discussion a évolué vers le sujet "drague et minettes". Il avait l'air de s'y connaître : "Tout ce que je sais en matière de séduction, je l'ai appris dans le film "Magnolia", et honnêtement c'est plutôt efficace : je suis avec Rose-Marguerite depuis un an". Il m'a montré une photo de sa nana. C'était une belle plante.

vendredi 26 octobre 2012

La règle des prénoms

J'ai entraîné pendant 5 ans à Poissy. Quand on s'occupe de jeunes dans un gymnase, on est obligé de retenir les prénoms. Si vous criez, "hé toi là bas, arrête de taper ton camarade avec ta raquette", il ne remarque même pas que vous vous adressez à lui. Si vous criez "Jordan ! Laisse Kevin tranquille !", le Jordan en question sait qu'il est repéré. J'ai une bonne mémoire des prénoms et trés vite, mes entraînements ressemblaient à ça :

"Enzo, tu joues contre Driss sur le terrain du fond"

"Cindy et Jenifer contre Alison et Ophélie sur le central".

"Non Stanley, tes jeans G-Star tombés du camion, même moitié prix, ça ne m'intéresse pas, je trouve ça vulgaire".

"Britney arrête de raconter à tout le monde que tu kiffes trop Djokovic parce qu'il fait du tennis et qu'il roule en Ferrari. Le copain de ma nana fait du badminton et il roule en Twingo, ça ne l'empêche pas d'être un mec génial".

"Non Stanley, tes coques pour iphone ne m'intéressent pas non plus".

"Dorothée ça n'intéresse personne de savoir que tu es "in love" de Nicolas Duvauchelle. J'en ai rien à foutre de savoir qu'il te donne "l'impression d'être en sécurité avec ses airs protecteurs" : file t'échauffer !".

Un truc que je ne supporte pas, c'est les jeunes qui discutent pendant que j'explique un exercice : "Johnny, Steeve, de quoi vous parlez tout le temps ? De PMU ? Vos parents vous laissent jouer aux courses ? Ah ils y jouent aussi... Bon je reprends pour les deux du fond".

"Ok, rassemblement ! Bon, les enfants, j'ai vu un mec patibulaire rôder dans les couloirs du gymnase... Alors vous ne partez pas sans vos parents". Un violeur de la maison centrale de Poissy s'est évadé et il croit qu'il va venir recruter sa prochaine victime parmi mes nains ? Il faudra qu'il me passe sur le corps d'abord soit vachement convaincant. Quand le mec patibulaire est entré dans le gymnase un quart d'heure après, une gamine a bondi vers lui en s'écriant "Papa !". Ouf.


Et puis, une chose en entraînant une autre, j'ai entraîné un autre club : Maisons-Laffite. La règle "Quand on s'occupe de jeunes dans un gymnase, on est obligé de retenir les prénoms" s'appliquait encore :

"Charles-Henry, tu joues contre Louis-Xavier en simple. Charles, Henry, Louis et Xavier vous ne bougez pas tant que je ne vous ai pas appelé".

"Emile-Louis tu joues contre... Hé Emile-Louis je te parle ! Ah c'est Henry-Louis ton prénom ? Désolé j'ai confondu avec un autre".

"Marie-Catherine ! Si tu laissais ta croix dans ton sac tu jouerais peut-être mieux"

"Océane, cette fois-ci t'oublies pas ton sac Longchamp après l'entraînement, ça fait tache dans le placard du club".

"Chloé ça n'intéresse personne de savoir que tu es in love de Nicolas Duvauchelle. J'en ai rien à foutre qu'il te fasse "frissonner de danger avec ses allures de mauvais garçon" : file t'échauffer !".

Ce n'est pas parce que j'ai changé de club que j'accepte que ça discute dans les rangs pendant que j'explique un exercice : "Alban, Octave : vous parlez de quoi tout le temps ? De courses ? Vos parents vous laissent... ? Ah ils ont des écuries... Bon je reprends pour les deux du fond".

"Ok, rassemblement ! Bon les enfants, j'ai vu le patron d'Axa dans les tribunes, il attend son môme. Moi j'ai besoin d'un stage. C'est lequel d'entre vous qui va gagner le jeu qu'on fera en fin de séance ?"

Changer de monde, c'est juste une question d'adaptation.

jeudi 25 octobre 2012

Tu écris comme un hipster

J'ai reçu un sms : "Tu écris comme un hipster". Je ne sais pas si c'est un compliment. Je ne sais même pas ce que ça veut dire. Connaissant l'expéditrice du message, elle a probablement voulu écrire "chipster" et par la magie du T9, c'est "hipster" qui a été envoyé. Ou alors c'est dû à sa légère dyslexie.

"Hipster", c'est un terme que j'avais vu dans les pages "tendances" du NouvelObs mais comme je ne fais que les survoler, j'en ai juste retenu que le hipster dans son habitat naturel fait du vélo à pignon fixe, qu'il porte des chemises à carreaux et qu'il connaît Berlin comme sa poche. C'est un peu maigre. Aucune info sur son comportement pendant la saison des amours, le mode de reproduction et l'élevage des marmots. Du coup j'imagine que le hipster est un bobo en plus jeune mais je suis encore dans le flou. Heureusement, j'ai trouvé plus d'explications dans la préface du livre "Sur la route" écrite par Michel Morht (Comment ? Vous ne connaissez pas Michel Morht ? Rassurez-vous : moi non plus) : "être "beat", c'est rejeter le passé et le futur, se rebeller contre toute autorité organisée, mépriser le "square". Le "square" (mot qui signifie à la fois carré et honnête) est celui qui vit enfoncé dans son ornière, qui croit témoigner par sa vie en faveur de toutes les valeurs décentes. D'autres termes, eux aussi empruntés au jazz et à la danse, servent à exprimer un état d'esprit, une morale vague, une esthétique plus vague encore : le mot "cool" : frais, léger ; le mot "hip" : hanche". Maintenant, vous comprenez pourquoi est-ce qu'il y a la chanson "It's hip to be square" du groupe Huey Lewis and the News dans la BO du film American Psycho. Si j'en crois Michel Morht, le hipster serait avant tout le contraire du mec en costume qui marche vite dans le RER et qui vit sa vie sans se poser des questions comme "D'ou viens-je ?", "Qui suis-je ?", "Où vais-je ?" et "Comment se fait-ce ?". Hum... Au moins, les gens qui sont square on les reconnaît, les autres, c'est moins évident.

Je crois avoir rencontré un hipster une fois, à la pendaison de crémaillère d'une coloc de médecins. A mon avis, il avait le style du hipster : barbe de trois semaines, sweat à capuche vert fluo qui recouvre un T-shirt tout aussi coloré, à l'aise dans ses baskets. Et puis, en faisant connaissance, j'ai appris qu'il avait 40 ans, qu'il était psychiatre et que la brune aux jolis yeux avec qui je flirtais discutais était son interne. Un hipster peut-il être psychiatre ou est-ce que c'est un métier trop square ?

Finalement, j'ai trouvé la définition la plus précise dans un sitcom : 2 Broke Girls. C'est un sitcom, ni bon ni mauvais, avec des rires après les répliques censées être drôles même si elles ne le sont pas toujours. La trame (deux filles sont fauchées donc elles bossent dans un "diner") a l'avantage de se passer à New York, ville où apparemment les hipsters prolifèrent. Dans un des épisodes, les héroïnes vont faire leur lessive dans une laverie et elles découvrent que la laverie est occupée par des hipsters qui comptent y organiser une soirée disco. L'organisatrice leur explique sa démarche : "Nous les hipsters, nous faisons des choses qui n'ont jamais été faites avant".

Epilogue

Jérôme s'est demandé s'il n'allait pas revêtir un sweat à capuche, aller à un festival underground et se lancer dans une activité artistique. Après tout, il aime la musique des frères Kalkbrenner, et ils sont bien berlinois. Là, Jérôme s'est souvenu qu'il faisait du badminton, qu'il roulait en Twingo et que Fritz et Paul Kalkbrenner, avaient sorti leurs chansons les plus connues en 2008. Il a allumé une clope et il s'est dit : "elle a dû vouloir écrire "chipster" assurément".

mercredi 24 octobre 2012

Panne des Sens

"L'impuissance, c'est la panne des sens". Richard Bohringer dans Agents Troubles avant que son coeur ne coupe le contact.
J'attendais que le dernier feu du boulevard de l'Hautil passe au vert. Je me remettais tout juste de Moonrise Kingdom que j'étais allé voir au ciné. J'étais bien. J'ai décidé de mettre une chanson pas trés connue qui me donne l'impression d'être dans Drive : "Phantasus" du groupe Ashra. C'est eighties, c'est parfait pour rouler la nuit.
Le son était trés faible. Est-ce que mon portable déconnait ? La prise jack était-elle mal branchée ? A force de trifouiller la chaîne d'éléments qui permet d'écouter de la musique dans une voiture, j'ai remarqué que ma jauge d'essence clignotait. Une Twingo, c'est comme ça : si vous ne remplissez pas au moins le fond de son réservoir, elle ne remplit pas le fond sonore.
La station la plus proche n'était pas trés loin, mais dans le sens inverse et je ne savais même pas si elle était ouverte. En plus, c'est une station BP, et BP, c'est cher. J'ai décidé de tenter l'aventure : rallier la station Leclerc qui n'est pas loin de chez moi.
Aux deux tiers de la vitesse maximale autorisée, sans musique, on se fait chier, alors j'ai laissé libre court à mes pensées. Dans ces situations là, au début, on essaie de se rassurer. Un pote qui avait une Twingo lui aussi m'avait dit qu'on pouvait faire 30 km avec la réserve. "Poissy ça doit être à maxi 20 km". Après, on doute. "Oui, mais lui, il roulait dans un ancien modèle". Là on commence à s'imaginer en train de pousser sa voiture. Au moins, à minuit et demie, notre turpitude n'aurait pas de témoins.
Et puis j'ai pensé aux pilotes de formule 1. Ils passent plusieurs fois par course aux stands pour faire le plein. Je suis sûr qu'ils claquent en une heure ce que je consomme en un mois. Les ordures. Si ça se trouve, les mecs se disent "j'avoue, c'est mal de faire ce que je fais, je devrais pas mais je le fais quand même". Ou alors ils se la jouent attendrissants : "conduire une voiture, c'est tout ce que je sais faire. Il faut bien que je nourrisse ma famille. Et puis merde ce n'est pas moi qui organise des courses avec tant d'argent à la clé".
C'est vrai ça, on est au vingt-et-unième siècle, il n'y aura plus de pétrole sur Terre l'année prochaine et c'est bientôt le grand-prix de Monaco. Pourquoi est-ce qu'ils continuent ? Peut-être que cette course serait une tradition née à l'époque où ce n'était pas irresponsable de consommer autant d'essence mais les temps ont changé. Réveillez-vous ! On est tous dans le même bateau, et ce bateau c'est le Titanic ! Là j'ai repensé à un personnage de ce film. Il a presque les pieds dans l'eau et il commande un Brandy, comme si son statut social allait lui assurer la survie et qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.
Je suis arrivé à la pompe juste avant de regretter de ne pas avoir voté pour Eva Joly. C'est pratique quand même, les pompes ouvertes toute la nuit. En repartant, j'ai relancé ma chanson. C'était quand même mieux que le rythme silencieux du défilement des lampadaires. Je me suis dit "t'es parti loin quand même avec ton trip écolo" et je me suis laissé bercer.

lundi 22 octobre 2012

Mon pote Guy K. et les livres

Mon pote Guy K. est un fan des nouvelles technologies et de littérature mais il a une façon un peu particulière de consommer la deuxième.


Au hasard d’une discussion récente, nous avons abordé le thème de l’Antiquité. Il m’a alors appris que tout ce qui avait été écrit à cette époque était disponible gratuitement sur la filiale de Wikipédia destinée aux livres, Wikibooks. Mais ce n'est pas parce que ces oeuvres étaient faciles d'accès qu'il les avait lues pour autant.

Je me souviens qu’il y a deux ans, il m’avait montré sa dernière acquisition : deux cent grands classiques de la littérature sur une petite cartouche à insérer dans sa nintendo DS comme un jeu. Il était ravi. Je l’entends encore m’énumérer les avantages de ces premiers livres numériques : « j’ai eu deux cent livre pour le prix de deux ! T’imagines un peu l’économie ? En plus, ça ne prend pas de place, et plus besoin de tuer des arbres ! ». Il oubliait sûrement de compter le prix de la console portative dans ses « économies ». Mais il avait raison sur le massacre des arbres innocents.

C’était un peu fort en cacao quand même parce que juste avant de recevoir une DS à noël, il s’était converti à la religion des "gooks", ces archéologues qui fouillent les archives des maisons d’éditions à la recherche de pépites oubliées. Leur nom vient de la contraction de « geek » et de « book ». Il m’avait montré une de ses trouvailles : « les jardins statuaires » de Jacques Abeille. « Si tu connais pas, c’est normal ! L’éditeur qui avait accepté le manuscrit il y a trente ans a fait faillite avant de publier le livre. Après un autre éditeur l’a repris mais le manuscrit a été perdu lors d’un incendie. Etc… jusqu’à ce qu’il soit redécouvert aujourd’hui ». J’ai eu le livre entre les mains. C’est vrai que c’était du caviar pour bibliophiles : couverture de luxe, gravures substantielles et une police de caractères particulière, un Pléïade en moins cher et en plus fantaisiste. Il n’a pas voulu me le prêter : « regarde la dernière page : le pavé n’a été imprimé qu’à quatre mille exemplaires. Si jamais tu me le perds, je ne pourrai jamais le retrouver ».

Et là récemment, pour son anniversaire, il a eu un Kindle, la liseuse d’Amazon. « Un livre électronique pour me mettre à la page », comme il le dit, non sans humour. « En plus, de nos jours plein de livres sont tombés dans le domaine public du coup je peux les avoir gratuitement ! ». Guy est tout le temps sur le chat de Facebook. Quand on s’y retrouve et que je lui demande ce qu’il est en train de faire, il me répond souvent qu'il est en train de télécharger des livres numériques. Et quand je lui demande de m’en conseiller, il me répond qu’il n’a pas trop eu le temps de lire depuis un petit moment.

Au moins, il a lu des modes d’emploi, ce n’est pas si mal.

Revue de presse alternative


A une pendaison de crémaillère, j'ai rencontré un certain Benjamin qui m'avait raconté l'histoire de mecs qui avaient fait une expérience : ne presque pas dormir pendant quelques jours. "J'ai lu ça dans Neon, c'est une nouvelle revue". Il n'en fallait pas plus pour attiser ma curiosité : je me suis procuré le numéro deux.

Dès l'édito, la couleur est annoncée "A Neon, on aime se poser des questions à la con". Suivent quelques articles farfelus : une page sur les savoirs inutiles ("En russe, "blédina" signifie "prostituée", "Une personne sur 18 est dotée d'un troisième téton", ...), un article consacré à la place du jambon sur le web (extrait choisi : "La baconmania ouvre l'appétit autant que l'imagination. C'est la gourmandise à l'état pur. Mais est-ce que c'est swag ? Difficile à dire vu que le mot a une définition aussi variable que l'humeur des ados"), un dictionnaire de néologismes ("l'affreuluquet" et "l'allergeek" feront désormais partie de mon vocabulaire), un autre sur les risques encourrus par l'usage d'un téléphone portable dans un avion... Suivent des reportages sur une self-made star du porno allemand, la jeunesse grecque, les limites de l'amitié, le jeûne, l'amour chez les autistes et un sport un peu bizarre : le roller derby. Une rubrique s'appelle "interview sommaire" : une personalité commente le sommaire du magazine, sur une page donc assez sommairement. Ca a l'air narcissique de la part de Neon à première vue, mais non, la personalité parle plus d'elle que du magazine. Les dernières pages parlent un peu de mode et de déco. Je ne sais pas si c'était vraiment utile, ni si c'est dans le ton, mais c'est dans l'air du temps. Le magazine s'achève sur une playlist "ce qu'on a écouté en bouclant ce numéro". Pourquoi pas, même si le concept a déjà été utilisé par le magazine "Illimité" qu'on trouve dans les cinés UGC.

Finalement, Neon, c'est une revue drôle, jeune, geek, branchée mais pas trop, décalée et ouverte sur le monde.


J'ai aussi découvert une autre revue : XXI. La première chose qui a attiré mon attention : le format. C'est un trimestriel qui se vend en librairies et il n'y a aucune pub ! "Mais enfin Jérôme c'est pas nouveau, Courrier International fait ça aussi". Oui je sais. Mais Courrier International, c'est un hebdo. Les pages de XXI sont richement illustrées de photos et de dessins. La deuxième et la troisième de couverture sont uniquement recouvertes de... papier peint. L'absence de pub, ça libère de la place ! Bon, et parlons de la périodicité : un trimestriel ? Mais quelle idée géniale ! Aujourd'hui on ne consomme plus les informations que sous forme de dépêches, de contre-dépêches et de contre-contre-dépêches. Tout est dans l'immédiateté. En choisissant de ne paraître qu'une fois tous les trois mois, XXI s'affranchit de tout ce brouhaha médiatique pour approfondir ses sujets.

La deuxième chose qui m'a frappé, c'est le casting des collaborateurs : Johnathan Littell et Emmanuel Carrère, deux scribouillards connus et reconnus (si mes souvenirs sont bons, le premier avait reçu une distinction pour "les Bienveillantes" il y a deux ou trois ans et le deuxième a eu le prix Renaudot pour "Limonov"). Là je sais déjà ce que vous allez me dire : "Mouais, Philippe Sollers écrit pour le NouvelObs et "Jean d'O" tient un edito dans le Figaro, alors tes auteurs, c'est de la gnognotte à côté". Peut-être que les CV sont plus verts ailleurs, je vous l'accorde, mais c'est déjà pas mal. La revue est un peu moins "nouvelle"  que Neon : il y a eu 18 numéro à ce jour et pour un trimestriel, c'est signe de longévité. D'ailleurs, j'ai vu XXI apparaître pas mal de fois dans le classement des meilleurs ventes d'essais que publie le NouvelObs. Bon mais à part ça, XXI ça parle de quoi ? La réponse est dans l'édito : "XXI s'intéresse aux grands bouleversements du monde, à la vie au ras du sol, à tout ce qui est important et qui dure". Le dernier numéro traitait du forum de Davos, de la dangerosité de la ville de Juarez au Mexique, de la vie des lycéens des Vosges, des séquelles de la crise immobilière en Espagne et, excusez du peu, il se termine par un reportage en BD sur les femmes au Yémen. Pour ceux d'entre-vous qui savent qui est Christophe de Margerie, essayez de vous procurer la revue : vous allez y lire un portrait du PDG de Total comme vous n'en lirez jamais dans la presse traditionnelle. Je ne vous en dis pas plus. Après ce bref panorama des sujets traités vous devez vous demander si elle ne serait pas un peu altermondialiste sur les bords, cette feuille de chou. Un peu... Le sérieux de la revue n'en est pas pour autant remis en question : les articles se terminent de manière trés pédagogique par des notes, des cartes, des essais, des films et des documentaires pour aller plus loin.

En guise de conclusion, XXI, c'est une revue qui donne envie de prendre le temps, d'éteindre son téléphone, son ordi et sa télé (pour ceux qui ne l'ont pas encore massacrée à coups de piolet), de se poser dans un bon fauteuil et de lire tranquilement.


J'aurais bien aimé terminer en commentant une troisième revue : "La bougie du sapeur". Hélas, elle ne sort que les 29 février et je n'ai pas réussi à me la procurer. Soyez patients.

jeudi 18 octobre 2012

Dissert' de filou

Epreuve du baccalauréat de philosophie 2012

4h
Dissertation
Dans une dissertation structurée, argumentée et en utilisant les notions et concepts vus en cours, vous commenterez la citation suivante :
« j’ai des relation sexuelles payantes mais je ne suis pas une prostituée » Zahia.


Introduction

Zahia s'arracherait sûrement les cheveux, rajouts compris, si elle apprenait que je commence d’emblée par l’introduction. Pas de préléminaires en philo, c’est la règle.

En 2010, Zahia défraie la chronique et les footballeurs se font la belle. Réputée pour avoir les mœurs aussi légères que ses dessous, elle est devenue un personnage mondain à part entière. Zahia est bien plus qu’un être de chair, de sang et de silicone. Mais qui est-elle vraiment ? Pour répondre à cette problématique digne d’un « Public » ou d’un « Closer », nous allons d’abord étudier cette question selon l’approche du doute, nous commencerons ensuite sa psychanalyse, puis, une fois cette dernière terminée dix minutes plus tard, nous terminerons par mettre en parallèle le sens de sa vie avec l’existentialisme au sens sartrien du terme.

I. Le doute

A. Descartes, oui, mais des « visa infinite »

Zahia, par cette remise en question « j’ai des relations sexuelles payantes mais je ne suis pas une prostituée » procède au doute cartésien. Elle n’a probablement pas lu René, mais elle en a beaucoup entendu parler par quelqu’un qui ne l’avait pas lu non plus (« Descartes tes jambes ! » Franck R.). Elle doute, elle suspecte, car c’est son métier d’être sucepisseuse suspicieuse. Elle se permet d’avoir des relations sexuelles tarifées mais en est-elle une prostituée pour autant ? Comme l’écrivait plus ou moins René Descartes, « je doute et si je doute de tout, la seule chose dont je puisse être sûr, c’est que je doute ». Personne n’est sûr de rien, tout ce que l’on sait, c’est qu’elle doute.

B. L’approche relativiste

Au même titre que l’expérience du chat de Schrodinger a vulgarisé la mécanique quantique, le relativisme peut s’expliquer de manière très simple par l’exemple suivant  : « une chaise, c’est un objet sur lequel on s’assoit. Si je m’assois sur une table, ce n’est plus une table, c’est une chaise ». L’approche relativiste définit donc les objets et les individus par ce qu’ils sont effectivement. Ainsi, Si Zahia se fait inviter au restau, c'est une escort. Si elle se fait héberger, c'est une courtisane. Si elle a beaucoup d'amis qui lui paient tout et à qui elle rend des services sexuels occasionnels, c'est une hit-girl. Si elle racole au bois de Boulogne, c'est un trav'. Ce n'est que si toutes ces conditions ne sont pas remplies que l'on peut dire que c'est une prostituée. Ici un arbre de décision serait très utile pour déterminer avec précision la probabilité que Zahia soit effectivement une prostituée. Néanmoins, l’approche relativiste nous permet d’affirmer qu’elle n’en est très probablement pas une.

C. Jean-Baptiste Botule et sa métaphysique du trou

« Par la magie de l’air entre le thé et l’eau, le trou se distingue du tout et en perd la complétude au profit de l’abîme » comme l’écrit de manière limpide dans son dernier ouvrage l'auteur de "La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant". « Comment occuper mon petit trou ? » Je suppute que Zahia se pose la question chaque matin au lever. Zahia, assurément, est une métaphysicienne du trou.

II. Zahia, une Lou-Andréas Salomé contemporaine.

A. Freud, gigolo qui s’ignore

C’est bien connu, en psychanalyse les patients alternent entre amour et haine envers leur thérapeute. Et si les clients de Zahia étaient en fait ses patients ? Et si elle était praticienne d’une médecine qui soigne le corps et l’âme, une « médecine douce » comme on dit aujourd’hui voire une « médecine voluptueuse » comme on dira bientôt ? Bien des fois, l’hypnose et la transe ont été (la liaison svp) une voie vers la guérison.

B. La conscience comme principal acquis

Le scandale « Zahia » ayant éclaté, on peut dire que Zahia n’avait aucune conscience professionnelle, mais elle n’en a pas moins une conscience de professionnelle.
Pour revenir à sa citation « j’ai des relations sexuelles payantes mais je ne suis pas une prostituée », Zahia pose le problème de la conscience (un sujet cher à Freud). Je serais ce que j’ai conscience d’être ? « Faux ! » comme dirait Normanfaitdesvidéos.

C. Le refoulement

« Elle a été foulée et refoulée » comme le racontait Franck R. le lendemain de son anniversaire dans les vestiaires du club de foot.
Quoiqu’il en soit, Zahia met le doigt ici sur un autre thème cher à Freud : le refoulement. En refusant d’être une prostituée, Zahia refoule ce statut que la société lui a donné pour s’en abroger un autre. Lequel ? L’avenir nous le dira.

III. Zahia et Sartre

Cette dernière partie sera baclée, parce que l’heure a tourné (elle aussi) et que les surveillants commencent à ramasser les copies.
Zahia se pose la question du sens de sa vie. Ah la question du sens… Dans un contexte différent de celui d'une dissertation de philosophie, je m'autoriserais volontiers quelques grivoiseries salaces. Sans transition, nous allons donc passer à la dernière sous-partie de ce grand trois.
Zahia s’affirme comme une mangeuse, pardon une « manageuse » d’hommes. En management, Zahia, par les multiples sujets qu’elle a traité, représente à elle toute seule un cas d’école. L’un d’entre eux me vient à l’esprit : la gestion de l’entreprise entre souplesse et rigidité. Souplesse pour l’un des organes, rigidité pour l’autre sont les piliers de la réussite d’une affaire, quelle que soit cette affaire, tel est l’enseignement que nous donne Zahia en la matière. "Manager une entreprise, c'est avant tout manager des hommes et des femmes", voilà un des multiples slogans à la con que l'on peut trouver dans les locaux d'une entreprise ou dans les pages de revues telles que "Challenge" ou "Capital". En ce qui concerne le management des hommes, Zahia pourrait inspirer les DRH avec sa version trés personnelle du team building.

Conclusion

Qui peut vraiment savoir ce qu’est Zahia ? Franck R. est probablement l’un des rares à l’avoir sondée mais hélas, sa maîtrise de la langue française ne lui permet pas de répondre. Zahia a une personnalité généreuse, pleine de rebondissements. Aujourd’hui, mannequin, créatice de mode, demain, que sais-je, chanteuse (elle voudrait reprendre le répertoire de Charles Trenet) ou actrice, Zahia n’est assurément pas qu’une prostituée. Je ne terminerai pas cette dissertation sans m’excuser auprès de Charles Trenet pour le jeu de mots que je lui ai fait subir.


mercredi 17 octobre 2012

Pot au feu


Hier soir j'ai raccompagné mon pote Camille à Franconville. On avait passé une soirée sympa, bar-macdo-billard, il m'avait demandé si je pouvais le déposer chez lui et moi ça ne me dérange pas de rendre service.

En chemin, on s'est arrêté à un feu et mon attention à été attirée par la voiture de devant : "Tiens regarde ça c'est la nouvelle Twingo". Je sous-entendais par là : "Regarde moi ce petit bijou, son allure élégante et jamais vulgaire, son port altier, sa prestance teintée de modestie, comme une jolie fille qui ne sait pas à quel point elle est jolie. C'est simple : il fait nuit et on ne voit qu'elle".

La réponse de Camille a cinglé : "C'est vraiment des pots de yaourt !".

Il a fini le trajet à pieds.

lundi 15 octobre 2012

Un mois d'août aux Saisies


Vous connaissez Les Saisies ? C'est une station de ski sympa et animée l'hiver et seulement sympa l'été. Le cadre est quand même pas mal : la montagne, l'air pur, un rêve de randonneur. Moi j'ai passé mon mois d'août aux service saisie d'une boîte en banlieue parisienne. Le cadre était presque le même : des montagnes de dossiers, mes doigts qui font l'intégralité du GR 20 chaque jour sur le clavier, l'air pur en moins.

Je tire une certaine fierté d'avoir réussi à me faire embaucher deux mois dans une banque  pendant l'été 2009 (au plus fort de la crise) et trois mois dans une autre en 2010 (au plus fort de la crise depuis 2009). Et en 2011 ? Non là j'étais en stage. Du coup, j'étais assez confiant concernant le succés de ma recherche de job d'été. En avril je me disais "je taffe de mi mai à fin août, je me fais 5000 boules et je fais mon pimp toute l'année". Après un mois de recherches infructueuses, je me suis dit "bon c'est pas grave, je bosse juin-juillet-août, ça me fera quand même un joli pactole". Fin juin je commençais à m'organiser des vacances.

Une ultime salve de candidatures désespérées mi juillet m'a apporté un flot d'appels (deux). "Allô bonjour j'appelle au sujet de la candidature que vous nous avez envoyée. Vous seriez disponible cette après midi pour qu'on se rencontre ? Pas besoin de mettre un costume". Ca tombait vachement bien parce que celui que je mets "aux entretiens d'embauche, aux mariages et aux enterrements" avait besoin de passer au pressing et qu'il aurait fallu que j'achète les chaussures qui vont avec. Je suis de ceux qui anticipent. Mon interlocuteur m'a expliqué mes futures responsabilités : "On envoie des enquêteurs faire des mesures dans des grandes surfaces, ils remplissent de chiffres les gros dossiers que vous voyez là bas et votre mission, si vous l'acceptez, consistera à saisir ces dossiers dans des tableurs excel. Vous êtes disponible en août ? Trés bien je vous attends donc le 29 juillet à 9 heures !"

De la sympathie des stagiaires

Ce qui est bien quand on fait un job d'été, c'est quand il y a d'autres gens dans la même situation que nous. Au début on discute de choses et d'autres : "t'as vu, Unetelle, elle prend des pauses de 45 minutes, elle part dès que la responsable est en réunion et elle revient juste avant. A 16h59 elle attend sans rien faire qu'il soit 17h et à 17h01 elle a disparu".

Une fois la timidité du premier abord passée, on commence à dire ce qu'on pense : "De toutes façons la boîte est dans la merde parce que les dirigeants n'ont pas su anticiper les congés. Comme par hasard, on va avoir deux semaines de retard sur la livraison et deux semaines de retard, ça correspond aux vacances que chacun prend en août. Coïncidence ? Je ne le crois pas".

Avec William, l'autre stagiaire, on cherchait un coin de verdure où se poser pour manger notre sandwich du midi (le restaurant d'entreprise ferme en août...) et on est tombés sur un terrain de pétanque. Il faisait beau et j'avais des boules dans le coffre de ma twingo.

Et puis une fois que l'autre stagiaire est bien en confiance parce qu'il nous a foutu une grosse raclée à la pétanque le midi, il s'épanche : "Quand je lance l'export sur excel, comme je ne peux rien faire, je file sur un site qui référence tout ce qui se fait sur internet, notamment de grosses conneries. Tu connais quickmemes ?".

Du bon usage de l'humour en entreprise

La responsable : "Comment tu écris "champ" dans l'expression "le champ de l'étude" ?"

Jérôme : "Avec un C"

La responsable : "C'était une blague ? Je ne suis pas réceptive à l'humour pendant les horaires de bureau".

Heureusement pour moi, j'ai pu me rattraper :

Le big boss : "Vous avez vu que Jean-Luc Delarue était mort ?"

Jérôme : "D'un accident d'avion ?"

Il ne l'a pas comprise tout de suite mais il a souri. Petite victoire personnelle.

De cette saloperie de reporting

"Alors Jérôme je t'explique. Quand tu saisis un dossier, tu marques dans le tableur "recensement" la référence du dossier que tu as saisi ainsi que les éventuelles données manquantes. Attention, des fois on est plusieurs sur le fichier donc on est en lecture seule, il faut qu'il n'y en ait plus qu'un qui ait le fichier d'ouvert pour pouvoir l'enregistrer"

Moi pour gagner du temps, je faisais tout mon reporting d'une traite. Bien entendu, une fois, après avoir consacré presque toute ma matinée à faire des croix dans le tableau, j'ai découvert que j'étais en lecture seule. Qui était donc l'enflure qui faisait des modifs sur mon tableur ? "Hé William c'est toi qui est dans "recensement" ? non ?" Chiottes. Un individu non identifié et non localisé m'empêchait d'enregistrer deux heures trois quart d'heures de travail acharné. S'il croyait que j'allais céder, il se fourrait le doigt dans l'oeil jusqu'à la clavicule. J'ai essayé d'être malin "il va sûrement fermer le fichier pendant la pause dèj". Sauf que ma pause dèj avait été prolongée pour cause de beau temps. Finalement, j'ai dû attendre. Attendre. Attendre encore. Ceux d'entre vous qui étaient surpris de recevoir encore des mails de ma part après dix huit heures connaissent maintenant l'explication à ce phénomène paranormal.

De la tristitude de la culture d'entreprise

"Le process est confusant mais on n'a pas le temps de trouver un autre moyen pour l'impulser"
Ma responsable.

Au delà de la novlangue, d'autres facteurs contribuent à la culture corporate, notamment l'art. Attention, l'art qui décore les couloirs de l'Entreprise n'a rien à voir avec du Kundelitch Kounedellish Kandinsky. Les oeuvres que je peux admirer sur mon chemin vers la fontaine à eau sont au nombre de deux : l'une est composée d'une photo d'un passage de relai avec marqué en dessous "Communiquer. Donner c'est gagner". Un peu abrutissant. Et l'autre, beaucoup plus marrante, représente un pingouin sur un iceberg qui s'est détaché de la banquise et qui se retrouve bien emmerdé pour rejoindre la terre ferme. Il va être obligé de nager au milieu des orques et des ours polaires, le con. Le texte ? "Anticiper. Qui a tout prévu ignore l'imprévu !". La gravité de la photo contraste brillamment avec le ton léger du texte.

De la fiabilité de nos dirigeants

Quand le big boss nous dit : "mercredi je serai au siège, ta responsable est en vacances, tu seras donc seul avec William et Unnetelle. Si t'as une question tu m'appelles hein ?", on essaie de prendre l'air inquiet sans en faire trop alors qu'on sait que non, mercredi, on ne risque pas d'avoir de question pourvu que notre boîte mail et facebook fonctionnent normalement. Quelle n'est pas notre stupéfation le fameux mercredi quand on se pointe comme une fleur sur le lieu de travail, 45 minutes après l'horaire indiqué sur notre contrat et qu'on tombe sur le big boss qui nous dit en pointant sa montre : "ça fait trois fois cette semaine !". On ne peut plus faire confiance à personne.

Les trucs qu'on n'aurait pas du ouvrir

On s'est habitué aux NSFW ("Not Safe For Work" comme disait William avec son accent parfait de franco-britannique qui fait ses études à Leeds), on voit qu'une amie du bad a posté un truc sur notre mur. Si ça vient d'elle ce n'est pas méchant. Si la censure de Facebook ne l'a pas supprimé, ce n'est pas méchant. On clique. C'est un tumblr avec des photos de fesses. On aurait du s'en douter, ça s'appelle "asstagram". L'ouverture du site s'accompagne d'une petite musique. On croise le regard de sa responsable, du stagiaire, des autres gens dans l'open space et on ferme la nouvelle fenêtre avant qu'un courant d'air n'ait le temps d'entrer dans la pièce.

Il y a aussi cette ecard postée sur notre mur avec la ferme intention de nuire. On y voit deux images superposées. En haut, un mec envoie voltiger des feuilles de papier en disant "fuck this shit it's friday". Et en bas, c'est lundi, on le voit les ramasser. On essaie de se cacher derrière son écran pour rire discrètement.

Ce qui fait chaud au coeur

C'est un lundi, le dernier, celui de la semaine qu'on nous a proposé de faire en plus, proposition à laquelle on a répondu qu'on était disponible après un rapide calcul mental ("cinq jours au smic, ça me fait 4,3958 pleins d'essence, allez j'accepte, je suis une pute à fuel"), on a fini sa pause clope, on croise une collègue, on lui tient la porte, et elle nous dit "merci Jérôme". Et là, on sent comme une bouffée de chaleur et on pense "Elle m'a appelé par mon prénom !".

Le truc qu'on apprend trop tard

C'est un lundi, le dernier, celui de la semaine qu'on nous a proposé de faire en plus, proposition à laquelle... Ah non ça vous l'avez déjà lu plus haut. Bref, la dernière semaine, le big boss nous demande si on veut du café. On lui répond qu'on en voudrait bien mais qu'on n'a pas de capsules. Et bien entendu, il nous répond "Mais j'en ai dans le tiroir tu pouvais te servir !". On pense à tous ces petits dèjs qu'on a pris à l'eau claire. Zut.

mercredi 10 octobre 2012

Interview de Carla Bruni inspirée de faits réels

Le journaliste : « chers téléspectateurs, bonjour, aujourd’hui, nous recevons une « compagne électorale » : Carla Bruni. Attendez on me souffle dans l’oreillette qu’elle est un peu facile et qu’elle a été faite et refaite, tournée dans tous les sens… Est-ce qu’on parle de l’invitée ou… Ah non très bien la régie parlait de ma phrase d’introduction. Bien entrons alors dans le vif du sujet : Carla Bruni, comment allez-vous ? »

Carla Bruni : « Très bien, je suis ravie de pouvoir servir la cause de mon mari, même si je suis toujours de gauche ».

J : « Vous vous revendiquez de gauche… Qu’est-ce que c’est pour vous être de gauche ? »

CB : « J’ai toujours été maladroite. Mais c’est à gauche que je me sens le mieux. J’aimais la gauche de Monsieur Rocard. Par contre j’ai horreur de la gauche caviar : DSK, Fabius…»

J : « vous dites ne pas aimer la gauche caviar, vous êtes pourtant plutôt aisée… »

CB : « Moi c’est différent, je suis une artiste engagée. Un artiste engagé, c’est quelqu’un qui vend plus de disques en disant qu’il est de gauche qu’en disant pour qui il va voter réellement. Enfin… C’est quelqu’un qui m’a dit. »

J : « avez-vous conscience des réactions quasi épidermiques que votre époux suscite ? »

CB : « Non, je ne les ai jamais remarquées. Je conseille à tous les gens à qui ça arrive un savon surgras, une crème hydratante à appliquer matin et soir, et un peu de fond de teint ».

J : « je voulais dire que votre époux n’est pas particulièrement aimé en France ».

CB : « Non vous savez je crois que ça ce n’est  qu’un phénomène d’élite parisienne. Je pense que le bas peuple, la plèbe, les prolos, les banlieusards et les bouseux ils aiment Nicolas Sarkozy. »

J : « C’est pour le défendre que vous êtes entrée en campagne, que vous l’accompagnez en meeting ? »

CB : « je l’accompagne dès que je peux, sinon je ne le vois plus. C’est important dans un couple de se voir souvent, du point de vue de la tendresse, de l’amour. Mais Nicolas ne me demande jamais rien. Il veut sans doute me protéger. Moi je suis un peu déçue, j’aimerais bien participer aux meetings aussi. Je pourrais organiser les plans de table ou chanter des chansons, et le public, pardon « les militants » feraient une grande ronde en se tenant la main. Parce qu’il faut aussi que je fasse la promo de mon prochain album. »

J : « vous voulez dire que personne ne vous donne de rôle à jouer ? »

CB : « C’est Woody Allen qui m’a donné mon dernier rôle. C’est dommage, j’aimerais bien jouer dans un autre film. ».

J : « Et dans la campagne ? Vous avez un rôle ? »

CB : « (rires) Ah qu’est-ce que je suis cruche ! Non, ils ne me donnent rien à faire. C’est dommage j’aimerais bien participer parce que je n’aime pas trop écouter tout le temps pendant les meetings. C’est long et c’est pas très intéressant. Mais une fois j’ai demandé à quelqu’un si il y avait quelque chose que je pouvais faire. On m’a répondu : « surtout, rien ». D’un côté ça aurait été dommage qu’on me demande de coller des affiches, je venais de me faire les ongles. Maintenant, je suis passée à la French Manucure, c’est extra j’achète ça dans une petite boutique de Milan qui se trouve… »

J : « ouais ouais... Et qu’est-ce que vous pensez de François Hollande ? »

CB : « Il a des lunettes et il est moche ! Il est tellement deux mille ooonze ! Et peut-être que Valérie est plus jeune que moi, mais moi je suis beaucoup plus bonne qu’elle, et c’est ça qui compte au final non ? »

J : « ça vous fait peur l’augmentation de la taxation des plus hauts revenus qu’il propose ? »

CB : « moi ça m’est égal, j’ai pris mes dispositions. Si François Hollande le fait, le peuple ne va pas se laisser faire. Je peux vous dire qu’il y a beaucoup plus de gens qui gagnent un million d’euros par an que ce que vous croyez. Non la véritable espèce en voie de disparition, c’est les smicards. »

J : « Hum… Et l’augmentation du nombre d’enseignants, c’est pas mal ça non ? »

CB : « Bof moi j’ai presque pas fait d’études. Je ne suis pas plus bête qu’une autre. Et honnêtement, les diplômes aujourd’hui ça sert à quoi ? Moi j’ai fait plein de métiers : mannequin, chanteuse, actrice et j’en ai jamais eu besoin. Pareil pour mon mari. Vous connaissez des gens à qui ça a servi ? »

J : « Ba ouais… Clément derrière la caméra, Guillaume qui prend le son, Brenda la maquilleuse, et moi aussi. Mais revenons à l’interview : votre mari n’a pas tenu beaucoup de ses promesses de 2007 : le chômage à 5%, les 35 heures, le pouvoir d’achat, le développement durable, le multirécidivisme… »

CB : « Oui. Je lui ai dit c’est Disneyland, Petra et la gamine et ou tes promesses électorales. Il m’a dit banco. »

J : « Parlons des rivaux de votre mari. Marine Le Pen a critiqué vos racines… ».

CB : « Ca c’est fort en cacao ! Les siennes sont fausses ça se voit elles sont brunes alors que ses pointes sont blondes. Sa coloration n’échappe à personne. Les Français ne sont pas dupes. Et puis d’abord critiquer c’est mal »

J : « Mmh… Eva Joly ? »

CB : « Alors là elle fait face à un autre type de problème. Il faut qu’elle change de monture. Une couleur pastel irait mieux à son grain de peau, le rouge ne lui va pas du tout ».

J : « Du vert ça lui irait bien ? »

CB : « Oh mais nan, vert c’est pas pastel, il est con lui… »

J : « Non mais… c’était juste pour faire une… Non rien. Ecoutez, merci Carla Bruni, au revoir.

Au cameraman :
« C’est qui celle qui attend dans le couloir ? Britney Spears ? Cool ça va relever le niveau ! ».