mercredi 10 octobre 2012

Comment devenir un beau brun ténébreux ?


J’ai décidé de devenir un beau brun ténébreux. Je suis déjà brun, ça fait un tiers du chemin en moins.

Tout a commencé au cours d’un pique-nique avant le badminton avec deux amies.

Diane : « Hé Jérôme tu ne serais pas plus brun qu’avant ? » (Les filles, ça parle de couleur de cheveux NDLR)

Jérôme : « Avant j’étais châtain, donc si, probablement…  Cool, je vais pouvoir devenir un beau brun ténébreux !»

Marion : « Un beau brun ténébreux ? Il y en avait un dans mon master… Il était beau quoiqu’il fasse ».

J’épargne au lecteur la suite de la discussion qui a ressemblé à ça, mais en plus long : « Même quand il se brosse les dents ? Même quand il mange un œuf à la coque ? Même quand il porte des pantoufles ? Même quand il essuie la vaisselle ? Même quand… ».

Marion était formelle concernant l’olibrius : beau, il l’était tout le temps. Elle n’en finissait pas ses phrases : « On avait l’impression qu’il avait en lui un terrible secret, ça le rendait… ». Il était donc mystérieux avant d’être beau. Le mystère précède la beauté. Conclusion : si je deviens mystérieux, je serai beau. Le premier des trois critères en moins, il ne m’en reste que deux et sur ces deux, j’en ai déjà un : je suis à mi-chemin !

Je suis allé voir mon grand frère Félix pour qu’il m’apprenne à devenir mystérieux. Non pas qu’il soit particulièrement mystérieux lui-même, mais un grand frère, ça sert à nous apprendre ces trucs de la vie.

« A partir de maintenant ton film préféré c’est Le Septième sceau et Ingmar Bergman est ton idole. Il va de soi que tu dois être capable de sortir des répliques de Cris et Chuchotements ou de Persona, même si elles sont en Suédois. A propos du dernier, explique bien que ton personnage préféré c’est l’actrice et que celui de la nurse t’horripile. Tu peux t’inspirer du personnage de Heath Ledger dans Elle est trop bien mais ne dis pas en société que tu l’as vu. Ou alors ne dis pas que c’est moi qui te l’ai conseillé, au choix. Et puis il faut que tu sois incollable sur les films de Tim Burton pour pouvoir tenir une discussion avec les minettes ».

Mon horizon cinématographique devenait brumeux. J’ai essayé de me rassurer : « Je peux continuer à lire le NouvelObs ? ». Il a pris un air sérieux : « Je n’y vois pas d’objection. Mais niveau lectures, je te conseille plutôt des trucs qui ont fait leurs preuves : Les Chants de Maldoror de Lautréamont et Ainsi Parlait Zarathoustra de Nietzsche. Et si les bouquins peuvent déborder de ton sac quand tu l’ouvres, c’est mieux ». Il m’a souri avec un regard entendu : « Attention, pas trop de zoroastrisme non plus ».

Qu’a-t-il voulu dire par là ? Je n’en ai aucune idée. Ce salaud réussissait à faire son mystérieux alors que moi je n’avais pas l’ombre d’un point de départ.

J’ai rappelé Marion pour savoir comment un beau brun ténébreux devait se comporter en société. « Reste discret, à l’écart, ne parle pas trop. Quand tu parles, si ce n’est pas très clair, c’est bien, c’est que c’est ténébreux. Mais si tu ne parles pas du tout, ça ne devrait pas te porter préjudice. Comme le DJ dans Good Morning England. Et n’oublie pas que tu traînes un lourd secret. Il te rend constamment pensif. Si tu n’arrives pas à le faire, tu peux réfléchir à ta liste de course. Et surtout arrête avec ta sale habitude de sourire tout le temps, on dirait que t’es content d’être là. Imagine que tu as adopté une petite orpheline de 5 ans et qu’elle a une maladie grave qui la cloue au lit. Et surtout, garde tes lunettes de soleil à l’intérieur et fume plus ».

Je me suis un peu entraîné. Je me sentais comme un brun un brin ténébreux. Mon but était à portée de main. Je me suis préparé pour sortir : mes lunettes de soleil, mon lourd secret et mes clés de bagnole. Mais à peine étais-je arrivé devant ma voiture que mon personnage m’a quitté : un beau brun ténébreux ne roule pas en Twingo.

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