lundi 13 janvier 2014

Maud la Fashionista

Bien entendu, elle travaille dans la mode. Ce n’est pas le genre de fille qui irait bosser pour une ONG, si vous voyez ce que je veux dire.

En fait, je ne l’aime pas trop, mais comme c’est la meuf d'un de mes amis, je suis obligé de la fréquenter. L’autre jour, j’ai demandé à mon pote : « Ça fait combien de temps que ça dure, ton amourette avec elle ?
-Depuis la première.
-La première année de fac ? Ça va, c’était y’a pas si longtemps, tu n’as fini ton M2 que l’année dernière…
-Non, la première. »

Bon ok, elle ressemble à Mélanie Laurent.

"T'es au courant qu'il y a une fille avec des yeux de cocker dans ton coffre là ?"

Une fois, elle m’a dit un truc gentil : « Elles sont super jolies tes nouvelles chaussures, tu les as achetées où ?
-Euh... San Marina...
-Attends fais voir ? Ah j’avais pas bien vu, elles sont pas si folles que ça en fait ».

Et encore, moi elle me traite bien. Une fois elle a critiqué la tenue de son mec, devant moi : « le chino, c’est complètement yesterday, il n’y a plus que Hedi Slimane qui en fait mais on sait tous qu’il est complètement en panne d’inspiration. Hein Jérôme ?
-Qui ça ? ». Là, j’ai essayé de me la jouer bobo branchouille pour qu’elle m’épargne : « Ah oui, il est complètement 2013 ! »
Elle a ri : « dire qu’un truc est « complètement 2013 », c’est comme les chinos, Hedi Slimane et les Beatles. C’est... Yesterday ».
Si on ne se comprend pas, elle et moi, c’est aussi à cause du vocabulaire : « Tu me passes mon foulard framboise écrasée ? ». Je lui en ai passé un. «Non, ça c’est le rose ». Je lui en ai passé un autre. « Non, ça c’est le fushia ». Elle m’a jeté un regard qui voulait dire « mais c’est qui ce gars mal dégrossi ? » et elle est allée se le chercher elle-même, son torchon.

Je me souviens aussi de la fois où elle avait acheté une cravate à son copain qui n'en porte jamais. Les cravates à rayures verticales, c'est comme le clou de girofle : on aime ou on n'aime pas.

Leur lapin s’amusait à croquer les passants de mon jean. Pas rancunier, je lui ai appris à faire des trucs marrants, comme manger des sacs plastiques. C’était leur rendre service de les débarrasser de cette saleté.

Forcément, elle habite à Paris. « Poissy ? C’est où ? Les Yvelines ? Connais pas. T’es venu en RER ? Mais comment t’as du trop galérer pour venir ! »

J’ai essayé de lui faire comprendre que je ne l’aimais pas : pour son anniversaire, je lui ai offert une échelle que j’avais échangée à un inconnu qui attendait un taxi à St-Michel contre deux Lucky Light. « Cool, c’est exactement ce qu’il nous fallait pour étendre des serviettes ! ». Loupé.

Et elle a une salle manie aussi : elle adore faire des brocantes. Un jour, je me suis pointé chez eux et j'ai demandé à mon pote : « Euh… Tu sais qu’il y a un faisan qui s’est installé sur ta commode ?
-Oui, c’est un moulage de Charles Lemanceau. Il était à 5 euros, mais Maud l’a négocié à 3 ».
En rentrant chez moi, je suis allé voir sur eBay à combien s’échangeaient ces bibelots. C’est là que j’ai commencé à vraiment la détester.